La Première Guerre Mondiale

Journal d'époque

Année 1914

Le samedi 2 août 1914, la sonnerie des cloches et du clairon annonçait la déclaration de guerre de l’Allemagne contre la France, à Fénay comme dans tout le pays. Les jeunes gens et hommes valides jusqu’à 48 ans doivent quitter foyer et travail. Les chevaux et les charrettes sont réquisitionnés. La grande mobilisation, 28 classes, commencée le 3 août, se termine le 16. Quarante-neuf hommes et jeunes gens de la commune sont partis (27 à Saulon la Rue). Il reste à Fénay 21 hommes de plus de 48 ans et 4 jeunes de 18 ans, à Chevigny 22 hommes et jeunes. C’est la saison des moissons. Les hommes non mobilisés et les femmes, souvent désolées, se mettent au travail car le temps est beau. Un tour de garde est organisé pour surveiller les récoltes. Fin août, les pluies orageuses apparaissent, une nouvelle réquisition de chevaux et charrettes intervient. Les trains ne roulent plus, plus de correspondance, arrêt presque total de la vie active commerciale et industrielle. Les vivres de première nécessité sont difficiles à trouver ; il faut faire venir le pain de Dijon par un laitier ; plus de pétrole, plus d’alcool à brûler. Le premier blessé est un jeune de Saulon ; blessure heureusement peu grave.
Il n’y a presque plus de prêtre dans les villages (200 sont partis comme combattants ou infirmiers). Le curé de Fénay (58 ans) est le seul entre Dijon et Seurre. Le 20 août, le Pape Pie X meurt à l’âge de 79 ans. Il sera remplacé par Benoît XV. Le 3 septembre, le gouvernement quitte Paris pour Bordeaux. La classe 1914 est appelée sous les drapeaux dans les premiers jours de septembre ; celle de 1915 est en formation. Mi septembre, premier mort. Il s’agit du Capitaine Camille FROMENTIN, natif de Fénay ; il avait 49 ans. (Erreur du curé … ce n’est pas le 1er mort, mais le 3e, il ne le savait peut être pas quand il rédigea cette note). Fin septembre, le commerce reprend un peu. La moisson est terminée (récolte moyenne), les pommes de terre sont arrachées (production médiocre). Des pluies abondantes tombent au cours de l’automne et cela dure jusqu’au 20 janvier 1915. En décembre, on apprend la mort de deux soldats de Fénay : Armand AMIOT et Camille BAZENET.

Année 1915

Fin janvier : il neige et le froid est rigoureux. Les classes 1916 et 1917 passent le conseil de révision et se préparent à partir à la guerre. Le 31 mars, l’Evêque de Dijon meurt. Le Chanoine désigné pour le remplacer refuse cette charge. Malgré le manque de bras, les récoltes sont rentrées dans de bonnes conditions. En fin d’année, les denrées alimentaires sont extrêmement chères. Le gouvernement taxe certains produits. Les œufs valent 2,40 F, la pièce de vin 160 F. On trouve difficilement des sabots à 1,50 F. D’autres produits manquent ; c’est ainsi que pour l’éclairage, essence et pétrole font défaut : on utilise de nouveau les bougies. Un emprunt national est lancé : il produit 14 milliards. La chambre de commerce de Dijon crée des billets de un franc et de 0,50 F qui ont cours dans le département. Les habitants de pays envahis viennent se réfugier à Saulon la Rue et Saulon la Chapelle. Des prisonniers civils emmenés en Allemagne sont évacués et reviennent en France. Un certain nombre sont recueillis à Saulon la Chapelle où on leur vient en aide.

Année 1916

L’hiver 1915-1916 est très peu rigoureux : un seul jour de neige et deux jours de gelée jusqu’au 9 février, mais par contre grande humidité, et février sera très mauvais (neige, froid, pluie). On appelle sous les drapeaux la classe 1888… soit des hommes de 48 ans ! La pénurie d’ouvriers se fait sentir. Les denrées alimentaires continuent d’augmenter (le vin vaut 1 F le litre, les vêtements sont très chers, beaucoup de prix ont doublé depuis le début de la guerre). Des réquisitions de toutes sortes ont lieu chez les cultivateurs. Défense de vendre du blé ou de l’avoine au commerce. Une commission va dans les caves et les greniers pour se rendre compte des récoltes. Dans la nuit du 14 au 15 juin, les horloges sont avancées d’une heure afin de faire des économies. Cette mesure n’est pas appréciée dans les campagnes.
A cause des intempéries, la moisson est en retard et elle n’est pas encore terminée début septembre (la main d’oeuvre manque, bien qu’on emploie un peu partout des prisonniers allemands). On apprend de nouveaux morts au combat d’habi¬tants de Chevigny (Ernest Guyotte) et Saulon. Les récoltes en céréales et pommes de terre de cette année 1916 sont plutôt mauvaises. La pluie d’au-tomne rend les semailles très difficiles (on sème dans la boue), les deux tiers des terres resteront sans être emblavées. Il y avait, d’après les archives, 80 ans que le baromètre n’était descendu aussi bas que le 18 novembre 1916. Les prix : le sucre 1,55 F. le kilo, les oeufs 3,10 F. la douzaine, une paire de brodequins 33 F, les sabots 2,40 F. On ne peut utiliser le gaz et l’électricité (en ville) que jusqu’à 6 heures du soir. D’autres rationnements sont annoncés.

Année 1917

Le mauvais temps de l’automne 1916 s’est poursui¬vi et l’hiver 1916-1917 fut très rigoureux. La neige et un froid vif apparaissent à la mi-janvier (le thermo¬mètre descend à -17°) la terre est gelée à une profondeur de 40 cm. Les silos de betteraves et pommes de terre sont menacés. La rigueur de l’hiver empêche les trains de circuler normalement, les ouvriers ont du retard. Le gros tilleul placé près de la porte du presbytère éclate du sol jusqu’aux branches, la brèche l’atteint jusqu’au cœur. En mars, on délivre les carnets de sucre (750 g par mois et par personne). Le mauvais temps se poursuit. Le 15 avril, de nom¬breux champs sont encore inondés, le blé lève mal, beaucoup de terres devront rester en friches au cours de cette année 1917. La récolte 1916 ayant été déficitaire en blé, la farine commence à manquer et bien des boulangers de Dijon, Nuits St Georges ne fournissent plus de pain. Saulon-la-Chapelle établit un four communal, suivi par Saulon-la-Rue. A Domois, le père Chanlon cuit son pain et établit un dépôt pour Chevigny et Fénay (11 sous le kilo). L’autorité militaire fait acti¬ver les battages qui doivent être terminés le 1 er décembre. Aussitôt battus, les grains sont enlevés. La récolte 1918 est déjà taxée à 60 F. le quintal.

Année 1918

L’hiver 1917-1918 a été rigoureux en décembre et janvier (froid et neige) mais février a été bon et a permis de cultiver. En mars, denrées alimentaire et autres sont de plus en plus rares et de plus en plus chères. Le pain est rationné (350 g. par personne), le sucre risque de manquer complètement. Certaines pièces sont démonétisées, on ne trouve plus que du papier. La récolte de blé, malgré les difficultés de semailles est plutôt bonne, celle de l’avoine est médiocre. Par contre, les sangliers ont ravagé le maïs, les souris ont rongé les betteraves et la récolte de pommes de terre est déficitaire (elles se vendront 70 F. les 100 kg.). Un ouvrier agricole gagne 0,50 F. de l’heure. Enfin, le 11 novembre, les cloches de l’église de Fénay sonnent à toute volée : après plus de 4 années de guerre, Gullaume II vient d’abdiquer et l’armisti¬ce est signé.

Année 1919

Le 16 janvier 1919, un service funèbre est célébré en l’église de Fénay pour tous les soldats nés dans la paroisse, morts pour la France. Le dimanche des Rameaux, bénédiction de la plaque commémorative portant les noms des 19 hommes de Fénay morts pour la France.

Source : Extrait du journal de l’abbé Clément – Curé de Fénay de 1906 à 1922